
Imaginez une femme issue de la bourgeoisie autrichienne, dépourvue de fortune, et qui à 45 ans, après avoir élevé ses fils et quitté son mari, décide d'entreprendre les voyages dont elle avait rêvé dès son enfance.
Son premier voyage la conduit en Terre Sainte en 1842, elle découvre Constantinople puis visite la Palestine et l'Egypte. Un premier ouvrage paraît à son retour : Reise einer Wienerin in das Heilige Land (1843).
En 1845 elle visite l'Islande, en passant par Prague, Hambourg et Copenhague, et collecte des plantes, des insectes et des mollusques. Son récit paraît sous le titre Reise nach den skandinavischen Norden und der Insel Island.
En 1846, de plus en plus fort, elle part au Brésil, passe le Cap Horn, séjourne au Chili, à Valparaiso, prend un bateau pour la Chine, fait escale à Tahiti, débarque à Macao puis séjourne à Hong Kong et Canton. On la retrouve à Singapour puis elle entreprend un vaste périple en Inde. Elle voyage en bateau, en char à boeufs, à dos de chameau. Son récit Eine Frau fährt um die Welt est publié 2 ans plus tard.
Cinq ans plus tard, elle entreprend un second tour du monde par le cap de Bonne-Espérance, faisant étape notamment au Cap, à Singapour, Bornéo, Java, Sumatra, Djakarta, en Californie, en différents points d'Amérique du Sud, des Etats-Unis et du Canada avant de revenir par Londres. Ce voyage fait l'objet d'un nouveau livre : Meine zweite Weltreise.
L'année suivante elle projette de visiter Madagascar, mais la destination semblant peu sûre, elle décide de repartir en Indonésie et en Malaisie. Au Cap elle rencontre un aventurier français Joseph Lambert qui l'invite à l'accompagner à Madagascar. Il connaît la Reine Ranavalona avec qui il a été en relation d'affaires et entretient des relations d'amitiés avec son fils le prince Rakoto. Après quelques mois à Maurice, Ida Pfeiffer embarque pour Tamatave, et c'est en arrivant à Tananarive qu'elle comprend que Lambert ainsi que leur hôte Jean Laborde sont mêlés à un complot qui vise à renverser la reine et à mettre son fils sur le trône. Cette tentative de coup d'état ayant échoué les protagonistes échappent à la sentence de mort mais doivent quitter le pays. A son retour à Vienne, l'année suivante, elle décède de la "fièvre de Madagascar", probablement le paludisme.
Ce qui est frappant c'est l'extrême modernité de cette femme qui au milieu du XIXe siècle circule seule, sans escorte, sans chaperon, dans tous les coins de la planète, y compris dans des endroits très reculés. Elle renonce au confort et aux commodités et endure privations et maladies.
Elle collecte de spécimens de plantes et d'insectes à destination des collections des musées, observe en détail les us et coutumes des habitants et publie ses récits de voyage.
Cependant au moins pour ce qui est de Madagascar elle fait preuve d'énormément de préjugés, convaincue de la supériorité de la culture européenne dans tous les domaines. On retrouve dans son livre tous les stéréotypes chers aux colonisateurs sur les Malgaches paresseux, ivrognes et menteurs. Au final on garde une double impression : celle d'une féministe qui réalise son souhait d'émancipation, mais également celle d'une petite-bourgeoise étroite d'esprit.